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PRIER EN COUPLE

Par Philippe et Nancy Decorvet

PLAN

I-Réactions contrastées

                                                II-Quels obstacles ?

             III-Quelques exemples bibliques

                 IV-Le couple : la plus petite cellule

                                          V-Le couple : fondement de la société et de l'Eglise

Nous étions au 4e jour du camp famille en Toscane ; la soirée s’annonçait magnifique ; on avait mangé sous la grande pinède, il faisait beau, on entendait encore quelques cigales. Les enfants se préparaient à aller dormir sous la direction de leurs moniteurs pendant que les parents, comme chaque soir, termineraient la journée par un bon moment de réflexion et de partage autour de la Bible. L’enseignement de la soirée porta sur l’histoire de Boaz et Ruth, ce couple créé par Dieu après tant d’épreuves et de péripéties. Nous avons alors demandé à la vingtaine de couples présents de clore entre eux la partie biblique en priant ensemble. Chacun est parti dans sa chambre. La vaste demeure est alors devenue silencieuse dans la nuit qui tombait. Nous étions heureux, ma femme et moi, de savoir que chaque couple priait, tout naïfs que nous étions, ignorant que dans certaines chambres c’était devenu l’enfer !

I-Réactions contrastées
Le lendemain matin, au petit-déjeuner, plusieurs nous ont dit leur émerveillement d’avoir osé ainsi, pour la première fois, prier en couple la veille au soir. Mais d’autres participants nous ont avoué leur embarras, leur gêne et même leur mauvaise humeur. Empruntés de se retrouver face à face dans une chambre pour prier, ils s’étaient mis au lit et endormis sans même se souhaiter bonne nuit. Ou alors, frustrés de ne pas avoir pu boire du thé à la cuisine comme les autres soirs, ils n’avaient pas décoléré de la nuit !

II-Quels obstacles ?
Cet épisode nous a beaucoup interrogés. Comment se fait-il que ces couples, tous engagés dans la foi ou presque, aient tant de peine à prier ensemble ? Ils prient personnellement, ils prient avec leurs enfants, ils prient dans des groupes de prières, ils en dirigent même, mais c’est le désert entre eux. Et cette anomalie est loin d’épargner les couples pastoraux ou d’anciens. Il est vrai que la prière en couple est souvent plus difficile, en tout cas plus exigeante que la prière en groupe. Comment en effet avoir un bon moment de prière avec son conjoint si pendant la journée, il y a eu une dispute, un malentendu ou un malaise entre nous ? La prière est le lieu de la vérité disait Alexandre Vinet. Comment vraiment prier en couple s’il y a des non dits, des reproches ou des amertumes rentrées ? Et puis, chacun a sa façon de prier, pour l’un la prière est essentiellement intercession tandis que pour l’autre elle est avant tout louange, adoration et même contemplation. Et ce n’est pas facile d’harmoniser les deux. Ces difficultés se corsent encore quand les conjoints ne sont pas au même stade de leur développement spirituel. Je me rappelle cette jeune épouse d’un responsable de communauté qui disait à son mari : « Comment veux-tu que je prie après toi, tu as tout dit » !

C’est pourquoi, devant ces difficultés ­ et l’on pourrait en rajouter d’autres ­ bien des couples préfèrent cultiver la prière en groupes plutôt que la prière conjugale. Je me rappelle encore ce couple pastoral qui avait beaucoup de peine à prier en couple et qui me disait avec une certaine agressivité : « Mais pourquoi le ferions-nous ? La prière est personnelle, nous prions chacun de notre côté, n’est-ce pas suffisant ? ».

III-Quelques exemples bibliques
Il est vrai ­ et cela peut paraître surprenant ­ que dans la Bible il n’est aucun exemple de couple en prière. Nous savons qu’Abraham et Sara priaient. Les parents de Samson aussi, de même que Joseph et Marie ; mais nous ne les voyons jamais prier ensemble. Quant aux parents de Samuel, il nous est précisé qu’Elkana, son père, montait chaque année à Silo « pour se prosterner devant l’Eternel » (1 Sam. 1.3) et qu’Anne, sa mère, « répandait son âme devant l’Eternel » (1 Sam. 1.15). Sa prière nous est même rapportée (1 Sam. 2.1-11). Mais là encore nous ne les voyons jamais prier ensemble.

Il est certain aussi que les parents de Jean-Baptiste ont dû beaucoup prier ­ et pendant des années ­ pour avoir un enfant ; pourtant, quand l’ange annonce à Zacharie que sa femme Elisabeth va avoir un enfant, il lui dit « Ta prière a été exaucée » (Lc 1. 26-27) et c’est à Joseph seul qu’un ange apparaît en songe (Mt 1.20). N’aurait-il pas été plus simple que l’ange se révèle aux deux en même temps ?

Certains pourraient déduire que ce silence, assez surprenant il est vrai, que la prière en couple n’a pas d’importance et de plus sans fondement biblique : c’est un exercice essentiellement personnel, comme le rappelle cette parole de Jésus : « Quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte, et prie ton père qui est là dans le lieu secret » (Mt. 6.6).

Mais le fondement biblique de la prière ne réside pas dans tel ou tel verset, pas plus que dans tel exemple ou absence d’exemple, mais de la vision biblique du couple d’une part, et de la prière d’autre part.

IV-Le couple : la plus petite cellule
Car qu’est-ce qu’un couple selon la Bible ? C’est tout d’abord la plus petite cellule de la société humaine : après avoir créé l’homme et la femme, Dieu les bénit et leur dit « Croissez et multipliez » (Gn. 1.28). S’il y a donc une société humaine aujourd’hui, c’est parce qu’un jour Dieu a créé un couple. Celui-ci n’est donc jamais simplement l’addition de deux individus, mais une mini-société au sein d’une plus grande…

Et puis, dans la Bible, le couple est aussi appelé à être un signe du Royaume de Dieu. L’amour d’un mari et d’une épouse, comme l’apôtre Paul l’explique en Eph 5. 25-33 est image et reflet de l’amour du Christ et de l’Eglise. C’est pourquoi, ailleurs, Paul parle du charisme du mariage (1 Co 7.7).

Ces deux vérités qui se rapportent l’une à l’ordre de la création et l’autre à l’ordre de la rédemption, ont fait dire avec raison aux Pères de l’Eglise que le couple était une « micro-Eglise » ou une « Eglise domestique ». Imagine-t-on une Eglise qui ne prie pas ? Pourquoi pourrait-on alors imaginer un couple qui ne prie pas ? Ce qui et vrai pour l’un, l’est également pour l’autre. C’est pourquoi les exhortations si nombreuses dans l’Ancien Testament déjà mais encore plus dans le Nouveau Testament, et notamment dans les épîtres, à prier en communauté, s’adressent aussi au couple. On pourrait ici multiplier les exemples : « Si deux d’entre vous s’accordent sur la terre pour demander une chose quelconque… » (Mt 18.19) « Tous, d’un commun accord persévéraient dans la prière » (Ac 1.14) « Priez en tout temps par l’Esprit, avec toutes sortes de prières et de supplications » (Eph 6.18). Cette dernière exhortation vient de l’épître aux Ephésiens qu’on a appelée à juste titre l’épître de l’Eglise, mais aussi l’épître de la famille, montrant bien par là le lien entre le couple et la communauté. Et quand l’apôtre Jean écrit : « Notre communion est avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ » (1 Jn 1.3), cela ne concerne-t-il pas aussi, et d’abord le couple ?

V-Le couple : fondement de la société et de l'Eglise
Ainsi, une notion bien comprise du couple selon la Bible : fondement de la société et mini-Eglise, implique obligatoirement la prière en couple qui fait partie intégrante de la prière communautaire. Elle en est même la base. Nos Eglises ne seront pas davantage des Eglises priantes que ne prieront les couples qui la composent.

Et puisque dans le couple l’homme est appelé à aimer « comme le Christ a aimé l’Eglise » (Eph 5.25), c’est principalement à lui qu’il revient d’être l’initiateur de la prière conjugale. Il est étonnant de constater parfois, dans certaines Eglises, que les hommes qui insistent le plus sur le rôle d’autorité de l’homme sont aussi ceux qui ont le plus de peine à prier en couple…

L’importance de la prière conjugale est aussi rappelée dans ce texte fondamental de 1 Co 7.1-7, et plus particulièrement le verset 5 : « Ne vous privez pas l’un de l’autre, si ce n’est d’un commun accord pour un temps, afin de vaquer à la prière ; puis retournez ensemble, de peur que Satan ne vous tente en raison de votre manque de maîtrise ». Ce texte rappelle trois vérités essentielles :

1. Vie de prière et vie sexuelle font partie intégrante de la vie de couple
On n’imagine pas une vie conjugale sans une sexualité exprimée. La Bible n’envisage pas non plus une vie conjugale sans prière. L’une et l’autre caractérisent la vie normale du couple chrétien. C’est là que l’épouse et l’époux sont dans l’intimité la plus totale et la plus profonde.

2. La prière en couple ­ comme la sexualité ­ nécessite du temps
Certes, on peut bâcler l’un et l’autre, mais on est vite frustré. Aussi bien physiquement que spirituellement ! Avec beaucoup de sagesse, l’apôtre Paul encourage les couples chrétiens à réserver des plages tant pour la prière que pour l’amour.

La prière en couple ne doit jamais remplacer la vie sexuelle.
Paul se méfie tout autant des couples « super-spirituels » que de ceux qui ne pensent qu’à la vie physique et matérielle. Satan ­ rappelle-t-il ­ peut tout aussi bien détruire nos couples par un souci excessif de spiritualité que par une absence de spiritualité. Ce que Paul rappelle ici fait partie d’une saine doctrine de la présence de l’Esprit dans notre vie corporelle. Je suis bien conscient qu’affirmer cela réveille des souffrances chez plusieurs dont le conjoint ne partage pas la foi et n’a pas d’intérêt pour la prière. Il s’agit d’une souffrance bien réelle, et qui peut durer des années. Mais la pire des choses serait de reprocher sans cesse à son conjoint son manque de foi : ça ne pourrait que le bloquer davantage.

C’est un problème dont la Bible parle. L’apôtre Pierre dit « Femmes… (et cela est aussi vrai pour les hommes dont les épouses ne sont pas engagées ; c’est plus rare mais bien réel), si quelques-uns n’obéissent point à la Parole, qu’ils soient gagnés sans paroles, par la conduite de leur femme, en voyant votre vie chaste et réservée » (1 Pi 3.1-2).

Cela demande beaucoup d’amour, de patience et d’humilité, mais en tant que couple, ne sommes-nous pas appelés à être une image et un reflet de l’amour de Christ et de l’Eglise ? Or, c’est par beaucoup d’amour, de patience et d’humilité que Jésus est venu chercher et sauver les hommes et les femmes que nous sommes, alors que nous ne le cherchions pas.

Et puis, il est aussi une grâce dans la prière personnelle. Ne la négligeons pas. Il ne faudrait pas que l’impossibilité d’une vie de prière conjugale empêche ou même handicape notre relation avec Dieu. Quand l’apôtre Paul dit « Nous avons tout pleinement en Christ » (Col 2.10), cela concerne aussi une vie de prière épanouie, quelle que soit notre situation conjugale.

Philippe et Nancy Decorvet (Tiré de leur livre « La prière en couple, un lieu de tension et de bonheur à deux ! » Éditions LLB, Vennes sur Lausanne. Les intertitres sont de la rédaction

 

 

Tag(s) : #COUPLE ET FAMILLE
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