OEUVRES :
- INSTITUTION DE LA RELIGION CHRETIENNE
L’Institution de la religion chrétienne est un traité de théologie écrit par Jean Calvin. Ce manuel est devenu la somme de la théologie réformée ; le maître-livre de la réforme. Elle présente notamment la doctrine du calvinisme. Au début du traité, une épître est adressée au roi François Ier qui ne l'a probablement jamais lue. Calvin le publia d’abord en latin en 1536, puis le traduisit lui-même en français en 1541. En 1559, Calvin en publia une dernière version, synthèse des précédentes versions ; cette ultime version comprenait aussi l’évolution de sa pensée entre 1541 et 1559. Calvin remanie à plusieurs reprises son ouvrage en l'augmentant à chaque fois : la dernière édition latine paraît en 1559, le texte étant passé de 6 chapitres en 1536 à 80 répartis en 4 livres ; sa traduction française paraît en 1560.
Un corps de doctrine
Cette œuvre développe de façon systématique la doctrine de la Réforme telle que prônée par Calvin. À travers son texte, il accentue le contraste entre la toute-puissance de Dieu et la misère de l’homme, égaré par le péché originel. Depuis ce péché qui a entraîné sa chute, l’homme est corrompu dans sa nature, étant assujetti au péché. La distance de Dieu à l'homme est infinie parce que la perfection divine est infinie alors que la créature est radicalement corrompue depuis le péché originel : l'image de Dieu est détruite en elle. L'homme vit sous le règne de la loi de Dieu, signe d'une déchéance dont il ne peut sortir par lui-même : il ne lui reste que la louange de Dieu et la repentance, c'est-à-dire la reconnaissance de son néant et sa totale dépendance de Dieu. Mais cette atittude même est éclairée par l'infinie miséricorde divine car Dieu donne la foi, signe de sa justification et de son salut. Son salut dépend uniquement de la grâce divine, dont les bénéficiaires sont établis de façon prédestinée.
Les réformateurs recherchent la vérité dans la Bible, qui est la source de l'Église. Calvin affirme que Dieu se révèle à l'homme par sa parole, l'Ecriture. Ce sont les principes du sola scriptura et du sola fide : bases de l'édifice. L’Institution de la religion chrétienne connaît immédiatement un grand succès dès sa sortie en 1536 à Bâle. Beaucoup de raisons peuvent expliquer ce succès. Non seulement, les réformateurs et les réformés la trouvent intéressante pour résumer leur conviction. De plus beaucoup de personnes pensent que ce livre est un moyen d'obtenir leur salut. Il y a une crise religieuse, une peur de la fin des temps. En effet la population connaît une période très difficile sur les plans économiques et sociales. On peut donc imaginer que n’importe quel changement aurait attiré leur attention. Dans la publication de 1536, l’Institution de la religion chrétienne est composée de 6 chapitres, et dans celle de 1559, de 4 volumes avec 80 sections. Cette évolution montre que cette œuvre a été retravaillée. Sous Henri II, fils de François, elle est censurée à Paris car elle est jugée hérétique.
Les quatre volumes du livre de 1559
Dans le premier livre (tome) : Calvin explique qu’il ne faut pas forcément éluder les mystères par des propositions logiques, qu’il n’y a pas besoin de prouver l’existence de Dieu. Pour lui, il n’y a pas besoin de preuves réelles, l’évidence de l’existence de Dieu est dans la nature, l’homme, ainsi que sa complexité et son intelligence (pour Calvin, il n’y a que Dieu qui a pu inventer cela). La nature, pour Calvin, est une image visible du Dieu invisible. Il n’y a donc pas besoin d’image représentant Dieu, puisque la nature prouve son existence… Il y a pour les catholiques un problème dans le raisonnement de Calvin. Pour Calvin, l'Écriture est au centre. Les gens lui répondent alors que les apôtres ayant existé avant l'Église, c'est l'Église qui a transmis les Écritures sur la base des transmissions orales des paroles des apôtres. Pour les catholiques, c'est l'Église qui prime sur l'Écriture. Calvin pense que malgré le fait que les Écritures sont venues après, elles sont restées importantes parce que les paroles écrites avaient de la valeur. Calvin croit que l'Écriture est inspirée de Dieu.
La Trinité : Calvin reste fidèle à la trinité. La Bible ne mentionne pas le mot mais la dévoile. Calvin dit que toute doctrine doit être tirée de l’Écriture. C’est le conflit qui l'opposera à Michel Servet. Dieu et le malheur : Pour Calvin, Dieu n’est pas responsable du mal, dans le sens qu’il n’est pas coupable. Mais les événements amenant la souffrance, la difficulté, ne sont pas forcément mauvais du point de vue de Dieu. Ceci n’est pas compréhensible pour Calvin, mais il l’accepte car il a une confiance absolue en Dieu et son action en faveur du bien.
Deuxième livre (tome) Le péché : Pour Calvin, le péché occupe toutes les parties de l’âme. Nous sommes pécheurs par principe : « Nous sommes de pauvres pécheurs, conçus et nés dans l’iniquité et la corruption, enclins au mal, incapables de tout bien, et dans notre dépravation, nous transgressons les saints commandements de Dieu, sans cesse et sans fin » (paroles de Calvin). Pour Calvin, cette pensée n’est pas culpabilisante, elle dit que nous sommes pécheurs malgré nous. L’autocélébration est le fait de considérer que l’être humain peut faire du bien et progresser. Calvin critique l‘Église catholique car elle s'enrichit grâce aux indulgences que payent les fidèles. Ce système révolte Calvin.
Troisième livre (tome) La foi: D’après Calvin, la foi est personnelle, elle ne peut pas nous être transférée par l'Église. La foi est un don du Saint Esprit, elle ne peut pas s’acquérir, elle est en nous. La foi nécessite une connaissance intérieure de nous. Calvin réfute que l’on puisse acquérir le droit d’aller au Paradis. Pour lui nous sommes tous pardonnés pour nos péchés, Dieu nous accepte en dépit de qui nous sommes. La Prédestination est la manière dont la grâce divine semble être inégalement répartie entre les différents êtres humains.
Selon L’Ecriture, Dieu décide de la destinée de chacun. Pour Calvin, ces inégalités ne doivent pas décourager les citoyens, car ils n’en sont pas responsables. La volonté de Dieu reste mystérieuse et l’on doit se contenter de l’accepter. Les humains n’ont aucun moyen de juger qu’un acte de Dieu est injuste ou faux.
Quatrième livre (tome) L’existence de l'Église: Calvin parle d’Eglise « invisible », qui est connue de Dieu seul. Cette Église « invisible » est composée de l’ensemble de tous les croyants sincères. En opposition, il y a l'Église « visible » , qui intègre le bon grain et l’ivraie (les croyants sincères et ceux qui ne le sont pas). Cette Église « visible » est donc imparfaite. D’après Calvin, il ne faut pas créer une Église d’êtres purs (sélection), mais de pécheurs qui cherchent à progresser grâce à l’Evangile. Pour les protestants, deux sacrements seulement sont reconnus : le baptême et l’eucharistie. Pour Calvin, l’eucharistie est un signe, une aide visuelle du message de Dieu mais ce n’est pas la transformation réelle du pain en corps du Christ. C’est seulement une évocation symbolique. Tandis que chez les catholiques, la transformation est réelle (transsubstantiation).
Rapport du pouvoir politique et de l'Église : Pour Calvin, le pouvoir politique doit être respecté par les chrétiens parce qu’il est plus ou moins établit par Dieu. Il y a cependant des limites : si un pouvoir politique va trop à l’encontre de l’enseignement de L'Ecriture, il peut être remis en question. Cela démontre que L'Ecriture se situe au-dessus du pouvoir politique.
C’est la seconde fois que le français est utilisé dans un traité de théologie. La première étant le Commentaire du Pentateuque par Rachi de Troyes, la première fois aussi que la prose française exprime des idées avec autant de précision, de rigueur et de clarté. C’est à ce titre que l’Institution de la religion chrétienne a contribué significativement au développement du français Ce traité fut rejeté par l'Église catholique car il concevait l'Eucharistie comme une simple commémoration au lieu d'une célébration du corps vivant du Christ.
PENSEES DE CALVIN
La formation de l’Église de Genève
Le premier prêche que Calvin prononce après son retour à Genève est la suite de son dernier prêche dans cette ville. Calvin fait comme s’il n’y avait pas eu d’interruption et renoue avec son séjour genevois de 1538. Mais sa position à Genève est désormais beaucoup plus importante puisqu’on lui a demandé de revenir pour réorganiser la ville et l’Église. Calvin ne peut toutefois pas imposer toutes ses idées, par exemple, de célébrer l’Eucharistie tous les dimanches. On préfère adopter la coutume bernoise de célébrer l’Eucharistie tous les trois mois seulement. D’autres questions soulèvent également des conflits. Calvin souhaite instaurer la discipline ecclésiastique et la mettre en pratique, ce qui signifierait que le consistoire aurait la possibilité de convoquer les paroissiens ayant commis un délit ou enfreint les enseignements pour les interroger, les blâmer voire les punir, les sanctions pouvant aller jusqu’à la sanction suprême de l’excommunication. Mais le conseil de la ville désapprouve cette idée, craignant une juridiction parallèle superposée à la juridiction officielle du gouvernement. Après de longues discussions, Calvin impose son idée, d’abord avec des concessions puis dans sa totalité en 1555.
- LE CONCEPT DE LA DISCIPLINE ECCLESIASTIQUE
Aujourd’hui, nous considérons le concept de la discipline ecclésiastique problématique car celle-ci semble restreindre les droits des individus. Mais ce n’est pas l’intention de Calvin. Il pense qu’une paroisse sûre de ses convictions doit veiller à la bonne conduite de ses membres afin de pouvoir remettre en question en cas d’infractions sérieuses, le fait que ces personnes puissent continuer à appartenir à la communauté. D’ailleurs, Calvin se sent, sur ce point, guidé et soutenu par Mathieu 18, où il est question de l’attitude à adopter à l’égard des paroissiens qui commettent des fautes.
La question de la discipline ecclésiastique est à l’origine de la plupart des conflits, entre autres avec le conseil de la ville. Mais, au sein de l’ordre ecclésiastique, la façon dont est dirigée et organisée la paroisse elle-même est encore plus importante.
- L’ORGANISATION DE L’EGLISE
Avec Calvin, les quatre ministères sont devenus décisifs pour le chemin de l’église. La direction de l’Église est constituée de quatre ministères : les pasteurs, les professeurs, les anciens et les diacres.
a) Les pasteurs doivent prêcher et enseigner, administrer les sacrements (baptême et Eucharistie) et visiter les malades. Une fois par semaine, la compagnie des pasteurs de la ville et des environs se réunit pour interpréter ensemble la Bible et s’évaluer mutuellement.
b) Les professeurs ont pour fonction « d’enseigner la doctrine du salut aux croyants. » Au sens strict du terme, cela signifie interpréter l’Ancien et le Nouveau Testament. Des connaissances linguistiques et une formation générale s’avérant nécessaires pour que «ces cours portent leurs fruits », l’enseignement de ces disciplines fait également partie des fonctions des professeurs.
c) Chaque année, douze anciens sont élus par les deux conseils. Ils forment le consistoire, avec six pasteurs élus par leurs pairs. Ce consistoire a pour fonction de veiller au respect de la loi ecclésiastique chez les paroissiens. Le consistoire et ses membres doivent «aimablement avertir ceux qu’ils voient commettre des fautes ou vivre dans des conditions désordonnées. »
Les membres du consistoire se préoccupent donc de la conduite des paroissiens mais également de leur participation au culte et à l’enseignement. S’ils constatent une attitude méprisante ou des abus, ils doivent d’abord avertir aimablement les personnes concernées. Si cet avertissement n’est pas suivi d’effet, le consistoire peut également appliquer des sanctions comme l’excommunication ou une plainte auprès de la justice séculière. Mais ces deux sanctions sont très rarement appliquées. L’activité principale du consistoire est l’arbitrage en cas de conflits, souvent entre des conjoints. Le consistoire se réunit une fois par semaine, tous les jeudis. La loi ecclésiastique défi nit l’esprit selon lequel le consistoire doit agir comme suit : « Toutes ces dispositions doivent toujours être assez mesurées pour ne pas faire régner une sévérité pesante. Même les avertissements ne doivent être que des ‘remèdes’ pour guider les pécheurs vers notre Seigneur. »
Le consistoire ne doit pas intervenir dans le domaine du pouvoir séculier ni à la juridiction officielle.
d) Les diacres ont deux fonctions, soutenir les pauvres et soigner les malades. La première fonction consiste à recueillir les aumônes, à les redistribuer aux nécessiteux et à subvenir à leur alimentation. La deuxième fonction consiste à organiser les hôpitaux et les auberges accueillant les étrangers. Les soins médicaux sont gratuits pour les pauvres et, pour les enfants, un professeur travaille à l’hôpital. (Citations de la Loi Ecclésiastique, traduits par A. Leuchtweis etA. Golay, Montpellier, mars 2004.)
Des ministères ecclésiastiques (extrait de la Loi Ecclésiastique de
1561)
« Notre Seigneur a créé quatre domaines ou types de ministères pour la direction de son Église : les pasteurs, les professeurs, les anciens et les diacres. Si nous voulons une Église ordonnée et saine, nous devons suivre cette forme d’organisation. »
Les pasteurs ont pour tâche d’annoncer la parole de Dieu, en public et aux individus, d’enseigner, d’avertir, de réprimander et de blâmer. Mais ils doivent également administrer les sacrements et procéder aux avertissements fraternels, en collaboration avec les anciens ou les délégués du conseil. »
« La fonction particulière des professeurs consiste à enseigner la doctrine du salut aux fidèles afin que la pureté de l’Évangile ne soit pas ternie par ignorance ni par les hérésies. »
La fonction des anciens « consiste à veiller à la conduite des individus et à avertir aimablement ceux qu’ils voient commettre des fautes ou vivre dans des conditions désordonnées. »
Les diacres ont « pour mission de recueillir les dons pour les pauvres, de les gérer et de les distribuer, de soigner les malades et de donner à manger aux pauvres. »
Bien sûr, dans toutes les paroisses, certaines tâches doivent être accomplies.
Certaines relèvent du domaine de l’enseignement et de la formation, d’autres touchent à des dimensions diaconales. Les ministères dans la paroisse sont définis par leurs tâches, c’est-à-dire fonctionnellement. Cette définition fonctionnelle distingue la conception de Calvin de toutes les définitions sacramentelles des ministères ecclésiastiques. Cette définition a pour conséquence qu’une personne reste titulaire d’un ministère aussi longtemps qu’elle en exerce la fonction. Le ministère n’est pas lié à la personne mais à la paroisse. Sur ce point, il existe des différences marquées avec les enseignements de Luther. Ce dernier se concentre sur l’unique ministère de l’Annonciation et de l’administration des sacrements, lié à l’ordination et la personne et non à la paroisse.
Outre son activité à Genève, Calvin essaie d’unir les différents courants évangéliques. Concernant l’Eucharistie, il parvient en 1549 à un accord avec la ville de Zurich, le «Consensus Tigurinus » (Consensus de Zurich.) Fondamentalement, c’est à ce moment-là que naît une sorte de « conception réformée de l’Eucharistie. »
L’Eucharistie (extrait de l’Institution 4,17,1 et 2)
Dieu nous a donné un gage pour nous assurer de son inépuisable bonté. C’est à cette fin qu’il a donné à son Église, par la main de son fils, le second sacrement, le banquet spirituel où Jésus-Christ nous témoigne qu’il est le pain de la vie dont nos âmes sont nourries jusqu’à l’immortalité véritable et bienheureuse (Jean 6, 51.)
D’abord il faut dire que les signes (de ce sacrement) sont le pain et le vin, qui symbolisent pour nous la nourriture spirituelle que nous recevons du corps et du sang de Jésus-Christ.
Or la seule nourriture de notre âme est en Jésus-Christ. Le Père céleste nous invite à nous en rassasier afin que nourris de sa substance nous soyons revigorés et gagnions de nouvelles forces jusqu’à ce que nous parvenions à l’immortalité du ciel.
Le mystère de la communion spirituelle en Jésus-Christ étant, par sa nature même, incompréhensible, Dieu nous en donne l’image par des signes visibles mieux adaptés à notre faible capacité. Plus encore, en nous donnant, pour ainsi dire, des gages de cette réalité spirituelle, il nous la rend ainsi aussi perceptible que si nous la voyions de nos propres yeux. Car il s’agit d’une parabole familière, accessible même aux esprits ignorants : nos âmes se nourrissent en Jésus-Christ comme le pain et le vin soutiennent nos corps dans cette vie terrestre. Nous comprenons donc l’objectif de ce sacrement qui est de nous assurer que le corps du Seigneur a été une fois pour toutes sacrifié et que son sang a été une fois pour toutes répandu pour nous. Ainsi, nous le recevons maintenant et en le recevant, nous sentons en nous l’efficacité de ce sacrifice unique. C’est pourquoi Jésus appelle la coupe « l’alliance en son sang » (Luc 22, 20; 1. Cor. 11, 25.) Car chaque fois qu’il nous donne son sang sacré à boire, il renouvelle, ou plutôt perpétue son alliance avec nous, qu’il a une fois pour toutes ratifiée par son sang et qui est destinée à renforcer notre foi.
Les âmes pieuses peuvent recevoir de nombreux fruits de confiance et d’amour de ce sacrement car celui-ci leur apporte le témoignage que Jésus-Christ est tellement présent en nous, et nous en lui, que nous pouvons appeler nôtre tout ce qui lui appartient.
- IDEES THEOLOGIQUES FONDAMENTALES
La théologie de Calvin est très détaillée et d’une grande diversité. Son Institution (la version définitive date de 1559) constitue la première dogmatique protestante détaillée. Dans cet ouvrage, le renouvellement réformateur atteint son apogée en s’opposant à la tradition scolastique et en dialoguant en permanence avec les écrits complets de l’Ancien et du Nouveau Testament.
L’Institution démontre que la pensée de Calvin est marquée par deux pôles complémentaires : il souligne d’une part la gloire, la majesté et l’omnipotence de
Dieu incarné en Jésus-Christ et, avec le même niveau d’importance, le salut de l’homme. Calvin apparaît ici comme un élève (néanmoins autonome) de Martin Luther. Les deux pôles, la gloire de Dieu et la délivrance des hommes, ne font qu’un : c’est justement dans la rédemption de l’homme et son incarnation que se manifeste la gloire de Dieu.
« La connaissance de Dieu et la connaissance de soi » (Extrait de
l’Institutio I, 1, 1-2)
Toute notre sagesse - si elle mérite ce nom, si elle est véritable et fiable – se résume en deux points : la connaissance de Dieu et la connaissance de soi.
Ces deux points sont rattachés par des liens tellement multiples que l’on ne saurait dire lequel est supérieur et lequel est à l’origine de l’autre.
D’une part, quiconque s’examine ne peut ignorer que c’est Dieu qui donne « la vie, le mouvement, et l’être » (Actes 17,28.) Car tous les dons qui constituent nos biens, nous ne les tenons évidemment pas de nous-mêmes.
Notre existence même en tant qu’hommes consiste uniquement à trouver notre essence dans le Dieu unique. Et d’autre part, les bienfaits dont le ciel distille sur nous la rosée nous mènent comme les ruisseaux à la source, et c’est justement notre pauvreté qui nous fait comprendre plus clairement l’infinie richesse de Dieu. C’est particulièrement la décadence dans lequel nous a plongés la perte de la foi du premier homme qui nous contraint à regarder en haut : affamés et assoiffés, nous devons implorer Dieu de combler le manque mais également apprendre l’humilité dans la crainte de Dieu. ... Ainsi, la conscience de notre ignorance, de notre vanité, de notre pauvreté, de notre faiblesse, notre dépravation et notre corruption nous fait comprendre qu’en Dieu seul se trouvent la lumière de la sagesse, la force inébranlable, la surabondance de tous biens et la justice véritable. Ce sont justement nos imperfections qui nous tournent vers les biens de Dieu, il nous faut d’abord commencer par être mécontents de nous-mêmes pour aspirer réellement à Lui. Car naturellement, l’homme préfère se complaire en lui-même et y parvient assez bien – tant qu’il n’a pas commencé à se connaître et ignore ainsi sa misère ou refuse de la voir. Au contraire, quand nous commençons à nous connaître, nous avons non seulement le désir de connaître Dieu mais nous sommes conduits par la main à sa rencontre.
Mais l’homme ne peut en aucun cas se connaître véritablement s’il n’a pas d’abord contemplé la face de Dieu et de cette contemplation est conduit à se regarder lui-même. Car un orgueil énorme nous est inné et c’est pourquoi nous avons toujours l’impression d’être irréprochables, sages et sacrés si nous ne nous confrontons pas aux preuves de notre injustice, de notre corruption, de notre stupidité et de notre impureté pour percevoir la réalité.
Mais tant que nous nous regardons nous-mêmes sans regarder également le Seigneur, nous ne serons pas convaincus : en effet, Dieu est la seule norme qui nous permet de nous évaluer nous-mêmes. Par nature, nous avons tous une tendance à l’hypocrisie. C’est pourquoi une illusion de justice nous satisfait autant que la véritable justice. »
La doctrine calviniste de la double prédestination, considérée aujourd’hui à juste titre comme une théorie problématique, s’explique par l’intérêt de Calvin pour la rédemption et pour la certitude de celle -ci. Ce n’est pas la confiance de l’homme qui est décisive pour le salut, parce qu’alors l’homme serait sans cesse préoccupé par la qualité de sa foi. C’est Dieu seul qui peut décider d’élire ou de rejeter. La doctrine de la prédestination préserve donc l’exclusivité de Dieu dans les questions du salut et de la foi.
L’Ancien et le Nouveau Testament sont des témoignages du même Dieu. C’est pourquoi il n’existe pas de différence fondamentale entre les deux parties de la Bible. Il convient plutôt de dire que les promesses de l’Ancien Testament sont déjà réalité dans le Nouveau Testament. Dans l’Ancien testament, l’Évangile n’est encore qu’une ombre tandis que le Nouveau Testament présente la lumière elle-même.
Sans nier les différences, on peut constater que les similitudes sont nombreuses car c’est la même alliance de Dieu avec les hommes qui est attestée dans la Bible entière.
Pour cette raison, la loi n’existe pas en premier lieu pour que l’homme prenne conscience de ses péchés (comme chez Luther) mais son objectif réel est d’orienter sa vie selon les commandements de Dieu. Ceci s’applique dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament. Bien que les commandements nous fassent également prendre conscience de nos péchés, cela ne peut pas annuler cet objectif réel, qui est de nous montrer la bonne volonté de Dieu.
La conception de la loi (Extrait de l’Institutio II,7,12)
« La troisième et principale application de la loi, qui appartient en propre à la finalité même de la loi, a lieu parmi les fidèles, dans le coeur desquels l’Esprit de Dieu vit et règne déjà. Car bien que la loi soit gravée en leurs coeurs par le doigt de Dieu, c'est-à-dire bien qu’ils aient été guidés sous la direction du Saint-Esprit, qu’ils désirent ardemment obéir à Dieu, ils profitent toutefois doublement de la loi : car elle leur est le meilleur instrument pour apprendre chaque jour plus profondément la nature de la volonté de Dieu, à laquelle ils aspirent, et les confirmer dans la connaissance de cette volonté. Un serviteur, bien qu'il aspire de tout son coeur à bien servir son maître et à lui complaire en tout, a toutefois toujours besoin de mieux connaître et mieux appréhender les voies de son maître, afin de s’y conformer. Il en est de même pour tous les croyants. Et aucun d'entre nous ne doit se dispenser de cette nécessité, car nul n'a encore atteint une telle sagesse qu’il ne puisse, par l’enseignement quotidien de la loi, progresser vers une connaissance plus approfondie de la volonté divine.
Plus encore, parce que nous n’avons pas seulement besoin d’enseignement mais aussi d’exhortation, le serviteur de Dieu tirera également avantage de la loi : par une fréquente méditation sur celle-ci, il sera incité à l’obéissance, sera renforcé dans cette obéissance, et écarté du chemin glissant du péché et de la désobéissance. Car, de cette façon, les saints doivent persévérer, puisque, quelque empressement qu'ils mettent à s'appliquer à bien faire, la faiblesse de la chair leur est toujours un fardeau qui les freine dans le plein accomplissement de leur devoir. »
L’idée essentielle de la conception des sacrements chez Calvin est la notion de la promesse de Dieu. Ce ne sont pas les éléments en tant que tels qui apportent le salut. Lors de l’Eucharistie, les éléments aident à exprimer la parole de la promesse. Ainsi, la célébration sert à assurer et à conforter les fidèles dans leur foi. Dans la célébration, la promesse se réfère au Saint Eprit, qui « scelle » les promesses dans les coeurs des hommes. Dans le catéchisme de Genève, rédigé sous forme de questions et de réponses, Calvin écrit «Es-tu convaincu que la force et l’efficacité des sacrements ne sont pas inhérentes à un élément extérieur mais naissent entièrement de l’Esprit de Dieu ? Oui. Dieu souhaite révéler sa force par les moyens du salut, destinés à cette fin. Il le fait de façon à préserver toute la signification de son Esprit. »